Les Gourdins : une dynastie prestigieuse de menuisiers en sièges.
Illustre famille de menuisiers du XVIIIème siècle, les Gourdin ont marqué l’histoire du fauteuil, du règne de Louis XV à celui de Louis XVI. Composée de trois membres : Jean, le père, Jean-Baptiste, le fils aîné, et Michel, son frère, la famille Gourdin est synonyme depuis toujours de qualité sur le marché de l’art. Ses sièges racontent l’histoire des styles du XVIIIème siècle. A la tête de trois ateliers distincts, les Gourdin eurent une clientèle prestigieuse et réalisèrent les commandes les plus importantes de l’époque.
Une dynastie exceptionnelle
- Jean Gourdin (v. 1690-1764) :
Patriarche de la dynastie, Jean Gourdin naquit vers 1690, probablement à Paris. Après avoir acquis sa maîtrise, il épousa en 1714 Marie-Madeleine Collet, elle-même issue d’une famille de menuisiers. Dès cette époque, Jean Gourdin ouvrit une boutique rue de Cléry, dans le quartier de Bonne-Nouvelle, et engagea des compagnons et des ouvriers. En 1732, il hérita de la boutique de son beau-père Jean Collet, ce qui lui permit de développer son atelier et d’associer définitivement son nom au 36 de la rue de Cléry. Puis il racheta la seconde partie de la boutique à sa belle-famille en 1743.
Il eut quatre enfants, dont deux filles. Marie-Anne, l’aînée, naquit en 1719 et se maria en 1745 avec Jean Avisse, menuisier de renom et fils de Louis Avisse, jardinier du Roi à Versailles. Eux-mêmes eurent six enfants dont un fils, Claude, qui devint à son tour menuisier dans le faubourg Saint-Honoré. Marie-Madeleine, la benjamine de la famille, naquit en 1741 et épousa en 1761 Jean-Charles Allard, maître et marchand tapissier de la rue Dauphine.
- Jean-Baptiste Gourdin (v.1723-1781) :
Jean-Baptiste naquit vers 1723. Contrairement aux artisans du bois du XVIIIème siècle, il n’effectua pas son apprentissage chez un maître menuisier, mais chez le sculpteur Toussaint Foliot, de 1736 à 1741. La pratique de la sculpture lui permit d’acquérir une bonne connaissance des métiers d’art et de renforcer ses talents de dessinateur. Par la suite, il revint travailler dans l’atelier paternel de 1741 à 1746. Avant même d’avoir terminé ses années d’apprentissage, il fut admis dans la communauté des menuisiers en 1747, privilégié par sa formation acquise chez son père et chez Foliot. Il épousa en 1746 Marie-Françoise Ferret, fille du maître menuisier Claude Ferret. A la mort de ce dernier, Jean-Baptiste hérita de sa boutique, également située rue de Cléry. Il y ouvrit son propre atelier et engagea des apprentis, avant d’acheter l’ensemble de la maison en 1761. Il n’eut qu’une fille, Marie-Françoise Sophie. Il cessa son activité en 1776 et s’éteignit en 1781.
- Michel Gourdin (v.1724-1797) :
Michel naquit vers 1724 et fut reçu maître en 1752. Il épousa Marie-Anne Masson en 1757 et n’eut aucun enfant. Il vécut lui aussi rue de Cléry.
Trois ateliers indépendants :
Chacun des membres de la famille Gourdin était à la tête de son propre atelier, et aucun des deux fils ne reprit la boutique du père, ce dernier ayant exercé par ailleurs longtemps, de 1714 à 1764. Cependant, leurs relations familiales furent à la base du réseau professionnel de chacun.
Par ailleurs, il est à noter que Jean-Baptiste développa considérablement l’atelier de son beau-père Claude Ferret, son inventaire n’indiquant pas moins de 16 établis. En 1771, son stock de bois était aussi important que celui d’un grand atelier comme celui de Tilliard. Jean-Baptiste Gourdin réalisa en effet de très nombreuses commandes tout au long de sa carrière.
Les Estampilles :
- Jean utilisa deux estampilles. La première, composée des initiales « I.G. », fut utilisée avant la réobligation d’estampiller de 1743 (mais perdura sur certains modèles). La seconde, « PERE GOURDIN », apparut avant 1748.
- Jean-Baptiste utilisa l’estampille : « I.GOURDIN ».
- Quant à Michel, il employa l’estampille « M. GOURDIN ».
Des clients importants :
Jean Gourdin reçu d’importantes commandes de particuliers, mais il participa également à de prestigieux chantiers, comme celui de l’hôtel de la rue de Varenne pour la Duchesse de Mazarin, ou celui du château d’Asnières, acheté en 1750 par le Marquis de Voyer, grand militaire et Maréchal des Armées du Roi, chargé des haras de Sa Majesté. Les châteaux de Montgeoffroy (Anjou), de Thoiry (Yvelines) et de Condé (Brie), possèdent aussi de nombreuses pièces de Jean Gourdin .
Jean-Baptiste travailla pour une clientèle plus éclectique que celle de son père, comprenant notamment de nombreux financiers en Europe. Il travailla pour des clients prestigieux comme le Marquis de Bellevaux, Claude II de Bonnay et de façon très régulière pour le Prince de Soubise, duc de Rohan. Mais sa cliente la plus illustre fut la dauphine Marie-Antoinette, lors de son emménagement à la cour.
Michel Gourdin, quant à lui, travailla pour Marie-Josèphe de Saxe, mère du futur Louis XVI. Il réalisa également du mobilier pour le Maréchal de Contades, la duchesse de Charost et le Marquis de Poyanne.
Le Style :
A eux trois, les Gourdin ont traversé les styles : Régence, Rocaille, Louis XV, Transition, et Louis XVI.
Jean produisit les modèles les plus luxueux. Il débuta sa carrière avec le style Régence (1715-1730), puis développa un style plus riche et plus exubérant pendant la période rocaille (1730-1745. Il atteignit la plénitude de son art en intégrant les ornements du Rocaille aux formes Louis XV. Datés vers 1740-1750, ces sièges sont bien charpentés, avec de larges bois accueillant une sculpture riche. Vers 1750-1760, il réalisa des sièges de style Louis XV classique, avec des lignes plus cintrées et un décor plus épuré, composé de fleurettes (surtout des églantines), et dont l’essentiel résidait dans le jeu des moulures et des nervures rythmant le fauteuil. Cette sobriété, mêlée à une parfaite harmonie des lignes, était typique d’une volonté de retour au classicisme, caractéristique de cette époque.
Jean-Baptiste, de son côté, eut une production extrêmement prolifique. Au début de sa carrière, il fut influencé par son père et réalisa avec une grande maîtrise des fauteuils de style Régence, Rocaille, puis Louis XV.
Vers 1760-1770, il développa un style plus personnel, faisant évoluer les ornements floraux dans le style Transition, avant de réaliser des modèles Louis XVI.
Les débuts de Michel furent quant à eux marqués par le style Louis XV classique, mais le style Transition s’imposa rapidement dans son œuvre. Il créa également de nombreux modèles très épurés, uniquement moulurés et marqués par le souffle néoclassique. Dans les années 1770, il fit des sièges Louis XVI très sobres et classiques.
La dynastie des Gourdin a véritablement traversé les styles et dominé le marché du siège au XVIIIème siècle, en réalisant les commandes les plus importantes de son époque. Célèbres menuisiers de la rue de Cléry, leurs fauteuils étaient recherchés par les clients les plus prestigieux. Le nom Gourdin à lui seul est devenu aujourd’hui l’emblème du siège de qualité du XVIIIème siècle.
une paire de fauteuil de cette valeur, il fallait que je fasse appel a un grand maître !
Merci Laurent Beaugeard pour ton professionnalisme et ton talent.